À l’aide de caméras de détection, l’auteur a eu la chance en saison 2022 de recueillir une importante série de photos mettant en principale vedette une famille de cerfs constituée de la biche mère et de faons jumeaux. Un regard intime dans leur quotidien du début de l’été jusqu’à l’arrivée de l’hiver…
Au cours des trois dernières années, j’ai pris plaisir à recueillir, étudier, classifier et enregistrer les très nombreux documents photographiques et vidéographiques captés sur des caméras de détection installées à différents endroits du lot forestier de mon fils, à courte distance de notre résidence. Ces images touchaient différentes espèces sauvages, mais j’ai surtout conservé en intérêt particulier celles concernant le chevreuil. Le visionnement et l’étude attentive de ces scènes m’ont entre autres permis d’apprendre à reconnaître certains traits particuliers des individus, ainsi que des particularités de leurs comportements.
Au début de l’été 2022, j’ai notamment eu la chance de voir une biche et ses deux faons jumeaux en très bas âge faire leur apparition sur le territoire et s’y installer pratiquement en permanence jusqu’à la fin de l’année. Comme la petite famille n’était pas avare de ses apparitions devant l’une ou l’autre de mes caméras de détection, j’ai pu ainsi suivre presque au quotidien son mode de vie et la croissance des deux rejetons. Les images qui suivent en représentent un résumé sur le vif.
1. L’histoire photographique débute le 4 mai 2022 à 17 h 20 avec l’apparition de deux cerfs, soit une biche adulte (au premier plan) avec son rejeton de l’année précédente. Je le sais parce que j’ai immédiatement reconnu la mère, pour l’avoir maintes fois captée en photos avec son faon la saison précédente, cette femelle se démarquant par la teinte brun gris distinctive de son pelage. Le faon avait bien grandi et semblait avoir bien survécu à l’hiver malgré l’état plutôt hirsute de son pelage.
2. Le 9 juin suivant, un mâle dont les bases du panache en velours en étaient au tout début de leur croissance annuelle est apparu à l’état plutôt amaigri devant la caméra. Sans pouvoir l’affirmer, là encore je crois avoir pu reconnaître le buck portant un panache de quatre pointes s’étant présenté à quelques reprises devant une autre caméra au cours du mois de novembre précédent.
3. Le 8 juillet, l’appareil photographique captait l’image d’un tout jeune faon en apparence esseulé, mais dont la mère ne devait certainement pas être loin. D’ailleurs, dans les journées précédentes, mon fils m’avait mentionné avoir aperçu dans le secteur une biche avec deux faons, et dans les jours suivants, j’ai moi-même pu apercevoir ce trio dans le même secteur et j’ai même eu la chance de l’observer à loisir à la jumelle.
4. À la date de cette photo, le 16 juillet 2022, j’ai pris le temps de faire le décompte du nombre moyen de 207 jours de gestation d’un cerf de Virginie femelle, et en projetant une date supposée de fécondation au milieu du mois de novembre, ceci menait à une probable naissance vers le 10 juin. Le faon de la photo ne pouvait donc être guère plus âgé que 1 mois ! Considérant nos observations directes précédentes, la biche avait certainement mis bas sur la propriété.
5. Je supposais fortement que ce faon puisse être l’un des deux jumeaux aperçus par mon fils et moi, ce qui ne tarda pas à se confirmer par les documents photographiques des jours suivants. Mais le fait de pouvoir voir des clichés consécutifs de la petite famille fait réaliser à quel point la croissance corporelle des rejetons est rapide. Cette photo du 12 août (portant l’âge supposé des faons à 2 mois) montre déjà que ce jeune a pris du poids, mais qu’il demeure très dépendant de sa mère.
6. Captée de nuit, cette photo datée du 27 août laisse voir un des deux faons téter le lait de sa mère, alors que cette dernière attend passivement qu’il soit rassasié, mais le deuxième exigeant rejeton ne doit pas être loin… à moins qu’il ait déjà eu son tour ! Selon la documentation scientifique, les faons peuvent téter 24 heures après leur naissance et commencent à ruminer vers l’âge de 2 mois. Le lait de la biche commencerait à décliner graduellement après une quarantaine de jours de lactation.
7. Au début de septembre, la biche a eu la surprise de voir apparaître au sol de délicieux nouveaux fruits (même si je ne chasse pas sur ce lot, l’utilisation d’appâts pour le cerf n’est permise qu’à partir du 1er septembre). Pour avoir fait connaissance avec les pommes à l’automne précédent, la mère n’a pas tardé à s’en régaler, mais le jeune semble plus intéressé par le lait de sa mère. Celle-ci lui fait cependant clairement comprendre que ce n’est pas le moment.
8. Cette scène croquée sur le vif quelques jours plus tard montre un passage intéressant où la mère fait comprendre à son rejeton (en lui passant la patte sur le dos) que son comportement quémandeur n’est pas acceptable. En fait, cette photo est tirée de la séquence vidéo montrant que, dans les instants précédents, ce faon insistait fortement pour que sa mère lui prodigue la tétée, alors qu’elle n’était pas prête… et qu’il était temps pour lui de passer à autre chose.
9. Dans les jours suivants (à la mi-septembre), la biche a régulièrement entraîné sa marmaille au site d’approvisionnement de la délicieuse manne tombée du ciel. Même si ces friandises ont bonne odeur, les jeunes ne semblent pas trop comprendre à quoi ces curieux fruits peuvent être bons et pourquoi leur mère semble tant en raffoler. Sur les séquences vidéo, on les voit tenter de prendre maladroitement les pommes dans leur bouche, mais sans beaucoup d’enthousiasme ni de succès.
10. Ayant remarqué dans les jours précédents que les faons essayaient de prendre sans trop de succès des croquées dans les pommes rondes, mon épouse a eu l’idée de trancher un certain nombre de pommes en plus petits quartiers et nous avons constaté avec plaisir sur les photos suivantes (celle-ci a été captée le 15 septembre) qu’ils arrivaient ainsi à les prendre en bouche et à les mâcher pour finalement les avaler. Il devenait évident qu’ils commençaient eux aussi à apprécier la manne providentielle.
11. Ce n’est qu’en observant attentivement cette photo prise de nuit un peu plus tard en septembre que j’ai noté un détail d’intérêt qui m’avait jusque-là échappé : le jeune qui sent le sol avec sa mère porte nettement sur son front des pédicelles proéminents (flèche jaune) qui représentent les bases de futurs bois (ce que les anglophones appellent un button buck (mâle à boutons). Jusque-là, j’avais toujours cru que les deux rejetons étaient de jeunes femelles…
12. Les photos précédentes laissaient déjà voir que les taches pâles du faon commençaient à s’estomper progressivement, et la présente photo captée le 22 septembre montre que les taches sont presque complètement disparues sur les deux rejetons. On constate aussi que la biche s’est bien « remplumée »… D’ailleurs, on remarque que la teinte de son pelage commence à prendre la teinte fauve grisâtre distinctive du changement automnal.
13. Le 10 octobre, les deux rejetons (dorénavant identifiés comme frère et sœur) portent maintenant aussi une robe uniformément de teinte fauve dont les taches blanches ont complètement disparu. Les jumeaux semblent aussi gagner en indépendance, et même sans la présence immédiate de leur mère, ils continuent de chercher avidement les restes de pommes laissés au sol après le passage de la biche (et d’autres résidents avides, comme les ratons laveurs).
14. Le 25 octobre, à peine plus d’une heure après que mon épouse et moi sommes venus apporter un nouvel approvisionnement, la famille n’a pas tardé à venir se régaler des délicieux fruits. Tout au long de la période, nous n’avions pris aucune précaution particulière pour essayer de camoufler notre odeur humaine, et il semble bien que la petite famille avait compris que nous ne présentions aucun danger (associant probablement même notre venue comme signe de passage à table).
15. Captée le 6 novembre 2022 (le lendemain de l’ouverture de la saison de chasse du chevreuil à l’arme à feu dans notre zone), cette photo montre très clairement la présence de pédicelles de bases des futurs bois sur le front du petit mâle venu se nourrir de pommes en compagnie de sa mère. Cette dernière a la bouche pleine et la séquence vidéo subséquente montre qu’elle mâche avidement les pommes une après l’autre en en faisant dégouliner le jus sur le sol.
16. Le 21 novembre 2022, la famille a revêtu son épais pelage hivernal, et malgré une première couche de neige au sol, les membres ont continué de venir voir s’il était possible de découvrir des restes de manne providentielle. Sur cette photo, leur épaisse toison de pelage protecteur ne permet pas de discerner les signes visuels de présence de « boutons » de pédicelles, mais des photos subséquentes captées en décembre ont fini par démontrer que les deux rejetons étaient finalement deux petits mâles !