L’auteur nous propose une mise à jour des données sur le suivi des populations de doré jaune ainsi que sur le plan de gestion de l’espèce.
S’il y a une espèce prisée des pêcheurs québécois, c’est bien le doré. Sa chair fine, son abondance relative et le plaisir que procure sa pêche en font une espèce particulièrement ciblée pour de nombreux adeptes de pêche sportive. Aujourd’hui, où en sont les populations de doré jaune du Québec ? Voici ce qu’en dit le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs qui a bien voulu répondre à mes questions sur le sujet.
Prise de conscience
Jusqu’en 2010 les modalités de gestion du doré mises en place au Québec visaient à récolter un maximum d’individus sans réellement porter attention à la taille moyenne des prises. De plus, le doré jaune et le doré noir étaient gérés comme une seule et même espèce. En conséquence, d’importantes modifications dans la structure des populations de doré jaune, plus vulnérables à la surpêche, sont survenues au fil du temps.
Ainsi, nous avons assisté à une diminution de la qualité de la pêche en ce qui concerne la masse moyenne des prises de doré jaune, de même qu’à une diminution du potentiel reproducteur à la suite de la réduction de l’abondance des géniteurs de cette espèce. En 2011, 30 % des lacs du sud du Québec étaient considérés comme surexploités et la masse moyenne du doré avait diminué de 30 % en 20 ans. Le doré jaune du fleuve Saint-Laurent était considéré comme « à risque » ou « en déclin » dans la majorité des secteurs inventoriés. À l’opposé, les populations de doré noir étaient considérées « en santé » dans tous les secteurs que l’espèce fréquentait. Une attention particulière a donc été portée au doré jaune qui montrait les signes les plus inquiétants.
Le Plan de gestion du doré a pour but de réduire la récolte de dorés jaunes afin de favoriser le potentiel reproducteur et d’assurer le renouvellement des populations.
Mise en place de mesures de gestion
Des modalités d’exploitation du doré jaune à l’intérieur d’une gamme de tailles ont été implantées en 2011 dans une première mouture du Plan de gestion du doré (Plan de gestion du doré au Québec 2011-2016) pour contrer le déclin de l’espèce relié à sa surexploitation. Afin de maintenir les acquis et de poursuivre l’amélioration de la qualité de la pêche au doré sur l’ensemble du territoire québécois, ces modalités ont été maintenues, et même étendues à l’ensemble du Québec, au moment du renouvellement du Plan de gestion du doré en 2016-2026. Les dorés jaunes d’une longueur totale se situant dans la gamme de tailles exploitée peuvent être conservés, tandis que les dorés jaunes de taille plus petite ou plus grande doivent être remis à l’eau
Le Plan de gestion du doré a pour but de réduire la récolte de dorés jaunes à la pêche sportive et commerciale (cette dernière étant uniquement permise dans le fleuve Saint Laurent, en aval de Trois-Rivières) afin de favoriser le potentiel reproducteur, d’assurer le renouvellement des populations et d’améliorer la qualité de la pêche pour offrir un produit répondant aux attentes des pêcheurs.
Le doré jaune est l’espèce la plus susceptible d’être perturbée par la pression de pêche parce qu’il peut constituer une prise intéressante avant même d’atteindre sa maturité sexuelle (sa première reproduction). Dans ces conditions, une forte exploitation peut réduire la densité de la population et son renouvellement. Quant au doré noir, il croît plus lentement que le jaune et atteint la maturité sexuelle à une plus petite taille. Peu de pêcheurs souhaitent conserver un doré noir immature, parce qu’il offre peu de chair à consommer. Toutefois, le fleuve Saint-Laurent fait exception. Il y atteint des tailles plus importantes et il est ainsi plus susceptible d’être exposé à la surpêche.
Les populations de doré jaune présentent différents taux de croissance catégorisés en deux types : un taux de croissance lent en eau froide et un taux de croissance rapide en eau plus chaude. La maturité sexuelle est atteinte à une taille supérieure chez les dorés des populations à croissance rapide. Ainsi, deux gammes de tailles exploitées ont été déterminées pour respecter les réalités biologiques de chaque type de population, soit de 37 à 53 cm pour les populations de doré jaune à croissance rapide et de 32 à 47 cm pour les populations de doré jaune à croissance lente. Cette modalité de gestion de l’espèce permet à la fois la protection des jeunes et des grands reproducteurs, dont les grandes femelles qui contribuent fortement à la reproduction.
Points de distinction entre un doré jaune et un doré noir. / L’obligation de réaliser des filets en portefeuille permet de vérifier la taille de capture des poissons prélevés. (Crédit illustrations : sentier chasse-pêche)
Des résultats probants
Après une diminution de la qualité de la pêche au doré jaune pendant plusieurs décennies, la mise en œuvre du premier Plan de gestion du doré en 2011 s’est traduite par des signes de redressement de la qualité de la pêche du doré jaune et une amélioration du stock reproducteur à l’échelle provinciale. En 2016, après quelques années d’application du Plan de gestion, un bilan a permis de dégager des tendances des populations de dorés des lacs du Québec et du fleuve Saint-Laurent.
Ce bilan a permis d’observer en eaux intérieures une tendance à l’augmentation de l’abondance globale et à la diminution du poids moyen des captures de doré jaune (laquelle pourrait être attribuable à une augmentation de l’abondance des petits dorés, favorisée par leur remise à l’eau), tout en observant une augmentation de l’abondance et du poids moyen des femelles matures. Dans le fleuve Saint-Laurent, pour la majorité des secteurs inventoriés dans les pêches scientifiques, une tendance à l’augmentation de l’abondance globale, de l’abondance des femelles matures et de la longueur moyenne des dorés jaunes capturés a été observée.
Le plan a été reconduit avec des modifications mineures de 2016 à 2026. Des analyses d’évaluation des tendances des indicateurs de la dynamique des populations sont en cours afin de réaliser une évaluation qualitative de l’efficacité des modalités du Plan de gestion du doré.
Le suivi des populations de dorés se poursuit
Le ministère des Forêts, de la Faune et des Parcs (MFFP) assure un suivi constant de l’état des populations en poursuivant ses travaux d’inventaire, tant dans les eaux intérieures que dans le fleuve Saint-Laurent, à l’aide de systèmes d’acquisition de données standardisées et de qualité sur l’état de santé des populations de dorés. Une approche indirecte basée sur des pêches expérimentales au filet est utilisée. Celles-ci permettent d’obtenir un nombre d’individus par unité d’effort (nuit-filet), à défaut d’une densité réelle. La structure de la population est quant à elle déterminée par une analyse détaillée des spécimens capturés, ce qui permet d’obtenir de l’information sur le sexe, la maturité sexuelle et l’âge des poissons. Ces paramètres sont essentiels pour poser un diagnostic sur l’état des populations.
Depuis 2009, le MFFP maintient un réseau d’inventaires du doré jaune en eaux intérieures. L’objectif principal de ce réseau est d’assurer une gestion efficace de la ressource en maintenant ou en améliorant l’offre de pêche, tout en permettant de mesurer l’efficacité des modalités de gestion et des changements réglementaires. Le réseau couvre 50 lacs modérément ou fortement exploités et situés en territoire libre, ainsi que 10 lacs en territoires fauniques structurés ou au nord du Québec. Ces plans d’eau ont été sélectionnés à l’échelle provinciale de façon à bien représenter les populations de dorés exploitées au Québec. Chacun de ces lacs fait l’objet d’une pêche expérimentale tous les 6 ou 12 ans.
En parallèle, le MFFP bénéficie depuis 1995 d’un réseau de suivi qui permet de suivre les populations de poissons dans le fleuve Saint-Laurent, dont celles du doré jaune et du doré noir, du lac Saint-François à Gentilly. Ce réseau prélève de façon standardisée des données sur les populations de poissons et leurs habitats dans le but d’évaluer, entre autres, l’état des stocks des principales espèces exploitées, et de suivre l’état de santé des poissons et la biodiversité. Dans le secteur de Québec, des trappes fixes sont utilisées pour suivre l’évolution des populations de dorés.
Des analyses des données amassées par le biais de ces systèmes de suivi sont en cours afin de réaliser une évaluation qualitative de l’efficacité des modalités du Plan de gestion du doré.
Carte du plan de gestion du doré et règles générales du plan de gestion du doré. (Crédit photos : MFFP)
Le retour du bar rayé, quel impact sur les populations de dorés ?
Le MFFP n’a pas spécifiquement étudié les interactions entre le doré et le bar rayé. Le potentiel de compétition entre le doré et le bar rayé en période estivale est plus important dans l’estuaire moyen (en aval de Québec). Au printemps et à l’automne, des regroupements de bars rayés adultes sont observés en amont de Trois-Rivières.
De façon générale, une augmentation de l’abondance d’un prédateur opportuniste comme le bar rayé dans un secteur a une incidence sur une grande variété d’invertébrés et de poissons fourrage. Il est donc possible que le retour du bar rayé dans le fleuve Saint-Laurent ait un effet sur la chaîne alimentaire. Pour le moment, les inventaires scientifiques indiquent qu’au lac Saint-Pierre il n’y a pas de différence marquée d’abondance des dorés avant et après l’arrivée du bar rayé.
Le bar rayé est une espèce grégaire qui se déplace en bancs. Lorsqu’il est présent dans un secteur, certaines espèces peuvent être déplacées temporairement. Rappelons que ces deux espèces coexistaient dans le système Saint-Laurent avant la disparition du bar rayé. On peut donc s’attendre à ce qu’un équilibre s’établisse lorsque le bar rayé sera pleinement rétabli.
Des plans de gestion pour d’autres espèces au Québec ?
Actuellement, le MFFP n’envisage pas à court terme la mise en œuvre de nouveaux plans de gestion sur les poissons d’intérêt sportif du Québec. Il vise à poursuivre l’amélioration des connaissances sur les populations des espèces aquatiques du Québec afin de l’appuyer dans sa mission de gestion responsable des ressources fauniques, notamment par la poursuite des plans de gestion actuellement en vigueur (dorés, saumon atlantique, touladi et omble de fontaine). La gestion d’autres espèces phares (ex. : omble de fontaine anadrome, anguille d’Amérique, alose savoureuse, esturgeons, bar rayé) repose sur des connaissances scientifiques à jour et rigoureuses colligées par le MFFP et ses partenaires.
Rappel des mesures réglementaires
Pour connaître l’ensemble de la réglementation applicable lors de la planification de vos sorties de pêche au doré, n’oubliez pas de consultez l’information réglementaire disponible sur le site Web du Ministère : https://mffp.gouv.qc.ca/la-faune/plans-de-gestion/dore/
En France, un plan de gestion similaire est suivi dans certaines régions pour le brochet. C’est le cas de la fédération de pêche du Rhône et de la métropole de Lyon qui ont mis en place, en 2019, une fenêtre de capture du brochet comprise entre 50 et 70 cm (les plus petits et les plus grands devant être remis à l’eau). Dès 2020, la prise de gros brochets de plus de 75 cm a été multipliée par 3 et le nombre de prises par effort de pêche, toutes tailles confondues, a été le plus élevé de ces 10 dernières années!