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LES BIENFAITS  D’UNE REMISE À L’EAU  HIVERNALE

LES BIENFAITS D’UNE REMISE À L’EAU HIVERNALE

13 février 2025

Luc Lafrenière

Depuis plusieurs années nous prenons grand soin de remettre systématiquement nos captures à l’eau, après une photo de ces dernières et si leur condition est favorable. Évidemment, ça demande une certaine préparations afin de donner le maximum de chances de réussite à ce geste collectif. Mais de voir repartir ce poisson souvent considéré comme trophée né représentait pas la fin de l’histoire; en fait, ce n’en était que le début. 

Deux ans plus tard 30 décembre 2021. Toujours sur le même plan d’eau en Estrie, mon fils Isaak et moi sommes à pied d’œuvre pour une journée qui s’annonce magnifique. Après le chargement complet de nos traîneaux de 60 pouces, nous avons tout ce qu’il faut pour passer une journée de pêche de qualité avec un confort essentiel. Tente, chauffage, vêtements d’appoint, piles de rechange et appareil photo ne sont que quelques pièces qui font partie de notre équipement de base, en plus de notre équipement de pêche normal, évidemment. C’est avec une extrême prudence que les premières sorties se font. Même si cette notion est présente tout au long de la saison.

 Le son de nos crampons qui mordent sous nos pieds nous donne une stabilité et la confiance qu’il faut pour se rendre à notre site. Cette journée-là, une distance relativement courte de moins d’un kilomètre est à parcourir. Nous scrutons la moindre faille et effectuons de temps à autre une percée de la glace pour dissiper le doute sur sa qualité. Mon fils et moi faisons équipe depuis sa plus tendre enfance et je peux dire que le risque ne fait pas partie de notre vocabulaire sur la glace. 

Malgré toutes les précautions, un accident peut survenir et il est important de l’envisager et d’y être préparé. Une corde toujours prête n’est pas un luxe, mais bien un élément important qui est souvent négligé. C’est une pièce d’équipement essentielle, tout comme l’habit de flottaison devrait l’être. Une fois sur les lieux, le travail commence. Chacun a son rôle issu d’une routine naturellement établie depuis plusieurs années. J’assume souvent le rôle de perceur de trous, tâche devenue beaucoup plus facile depuis l’évolution rapide des perceuses. 

Beaucoup moins exigeantes qu’à l’époque des perceuses à main et même à essence, les perceuses électriques comblent très bien les besoins que notre type de pêche exige.


Comme la zone 6 permet cinq engins de pêche par pêcheur, les 10 trous bien espacés sont rapidement faits afin que les brimbales soient installées le plus rapidement possible. Il n’est pas question ici de faire le travail rapidement pour s’en débarrasser, mais bien pour profiter de cette période des premières lueurs du jour. D’abord, ça demeure une période d’activité assez productive et parfois déterminante. Nous avons souvent fait de belles captures dans ce segment de la journée. Mais profiter des premières lueurs du jour et du magnifique spectacle que représente un drapeau qui se lève en même temps que le soleil, c’est porteur d’espoir.  

En ce matin de décembre, notre approche n’est pas différente. Nos engins sont installés avec les mêmes rigueur et minutie. Nous connaissons bien notre cible et sommes très conscients de la patience qu’elle exige pour la capturer. Acquérir de petites informations sur ses faiblesses demande plusieurs années ,et encore aujourd’hui, bien malin celui qui croit la connaître suffisamment pour assurer sa capture sur une base régulière. Mais cette attente est un passage obligé, et si ce sacrifice ne vous plaît pas, mieux vaut oublier la truite brune. Pourtant, cette période d’attente nous anime et la possibilité, si minime soit-elle, de contempler un spécimen mature suffit à nous maintenir vigilant. L’un des deux traîneaux est aménagé en vivier avec une quantité d’eau suffisante pour permettre à un poisson d’y nager.

 Nous avons toujours à portée de main un coupe-fil, une pince ainsi que des bas de ligne déjà montés en nombre suffisant et prêts à remplacer celui que nous serions dans l’obligation de couper pour ne pas blesser inutilement un poisson. Cette façon de faire est capitale afin de gagner du temps précieux sur un poisson destiné à retourner à l’eau sans photo.

LA REMISE À L’EAU EST UNE PRATIQUE DE PLUS EN PLUS RÉPANDUE. IL EST PLAISANT DE PENSER QUE CERTAINS TROPHÉES NAGENT TOUJOURS ET QU’ILS PEUVENT RENDRE HEUREUX D’AUTRES PÊCHEURS.

Et c’est l’attente… Les minutes, les heures, les variations de climat et le mercure qui tente de grimper. Humainement exigeant, surtout quand se pointe la fin de l’avant-midi, puisque souvent, nous mettons fin à nos activités autour de cette heure. 

Mais voilà qu’enfin un petit drapeau orange vif se relève brusquement et provoque le cri de ralliement: «Flag up!»Il est près de midi. Le parcours jusqu’au drapeau n’est pas sans ranimer l’espoir, car nous savons très bien qu’il est très raisonnable de penser qu’il peut s’agir de ce que nous cherchons. Arrivés à la hauteur de la brimbale, il est possible d’apercevoir le moulinet qui déroule de façon modérée mais continue, et c’est typique du comportement d’une truite brune lorsqu’elle a l’appât en bouche. En théorie elle s’arrête afin de glisser l’appât tête première dans sa gorge, mais chez les spécimens de belle taille, il arrive que nous n’ayons pas ce luxe d’attendre.

Nos bobines contiennent une quantité raisonnable de fil tressé suivi d’un fil de fluoro carbone de support, mais certaines brunes ne s’arrêteront qu’au-delà de cette distance et le risque de combattre un poisson de bonne taille sur la ligne de réserve en est un que nous ne prenons pas. C’est cette situation qui se dessinait lentement et Isaak le savait très bien. À ce moment, d’un commun accord, je soulève la brimbale et il agrippe le fil tressé. Lorsque la tension est bien perceptible pour un ferrage direct, c’est le moment de vérité. D’un coup sec mais retenu, Zak s’exécute et semble avoir piqué le poisson de façon efficace.

Un travail d’équipe

De mon côté, mon rôle est de garder le fil exempt de nœud. La méthode la plus simple est de se dégager du pêcheur en gardant le fil disponible nécessaire à la demande de celui qui combat le poisson. Je m’éloigne donc du trou avec la brimbale en main récupérant le jeu occasionné par la récupération. À ce moment, selon la tension perçue, nous savons s’il s’agit d’un spécimen intéressant, et selon la réaction du pêcheur, c’est le cas. Le ferrage bien fait, la récupération débute lorsque le poisson le veut bien. Souvent, un soudain changement de cap et un retour en arrière exigent une réaction immédiate du pêcheur qui se doit de conserver une tension minimale, sinon l’hameçon risque de se décrocher ou une boucle pourrait se former sur un obstacle au fond du lac occasionnant un bris ou une situation irrécupérable. Mais heureusement, tout se passe bien et Isaak a le dessus. 

Le poisson effectue quelques passages sous le trou, ce qui a pour effet de confirmer l’identité de notre prise. Conscients à ce moment que nous sommes pile sur notre objectif, il ne nous reste maintenant qu’à ramener ce magnifique poisson au vivier. Quelques poussées d’énergie supplémentaires permettent à cette magnifique truite brune de dérouler encore quelques mètres de fil, mais malheureusement pour elle, Zaka fait cet exercice à plusieurs reprises et sait très bien quand concéder de la tension et quand en récupérer.

Un détail intéressant

En fait, ce combat a dû lui rappeler un certain 4 février 2019. Vient le moment de hisser cette brune femelle hors de ce trou qui nous paraît toujours un peu limite pour des poissons de cette taille. Tout se passe relativement bien, de même que l’extraction du petit hameçon.La prise rapidement déposée dans le vivier, nous célébrons notre capture à notre façon pendant que le poisson récupère lentement. C’est à ce moment qu’un détail intéressant saute aux yeux d’Isaak. Une marque très spécifique à la nageoire caudale,une entaille en forme de demi-lune, lui ramène un sentiment de déjà-vu. 

Bien que la possibilité d’avoir déjà manipulé cette truite brune nous passe par la tête, sans preuve irréfutable, le doute serait encore présent. L’avantage de photographier nos prises prend tout son sens et Isaak a tôt fait de rechercher une preuve dans les archives photographiques de son cellulaire. Et lorsqu’il tombe sur une photo datant de février 2019 et que la marque distinctive de la demi-lune est retrouvée sur la caudale, nous ne pouvons que pousser l’investigation. Cette évidence marquée à elle seule n’est peut-être pas suffisante, mais additionnée à la taille, au sexe et surtout à la robe de cette référence, nous ne pouvons qu’être convaincus et commencer à y croire. L’analyse des points vient dissiper tous doutes restants et on ne peut que conclure qu’il s’agit d’un poisson que nous avions capturé deux ans plus tôt.

La capture de ce poisson pour une deuxième fois est un moment fort pour nous, mais elle représente beaucoup plus. Au-delà du caractère exceptionnel de l’évènement, c’est un symbole qui nous confirme que le geste que nous avions posé il y a deux ans et celui que nous avons posé en décembre 2021 sont des gestes qui fonctionnent et donnent des résultats. Les précautions prises et le respect pour le poisson dans sa manipulation augmentent le taux de réussite.

Conclusion

Dans le domaine de la pêche, où les instruments sont de plus en plus performants et où les connaissances circulent à une vitesse effarante, les pêcheurs sont de plus en plus efficaces et la remise à l’eau devient un geste compensatoire auquel nous devrions tous avoir recours, du moins dans un certain pourcentage .Il est plaisant de penser que certains trophées nagent toujours et qu’ils peuvent rendre heureux d’autres pêcheurs. C’est une pratique de plus en plus répandue et souhaitons que la nouvelle génération de pêcheurs sache garder en tête que la ressource n’est pas qu’une question d’alimentation. C’est un vecteur de moments précieux avec parfois de grandes émotions et des souvenirs impérissables.


Photo pêche
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