13 septembre 2024
Jeannot Ruel
Devant la commande d’écrire un récit sur ma meilleure partie de pêche, j’ai dû faire une sélection dans mes souvenirs, mais l’un de ces derniers m’est immédiatement venu en tête. Lors d’un grand salon commercial printanier, un pourvoyeur de ma connaissance m’avait offert d’aller expérimenter la pêche dans un nouveau secteur de territoire qu’il comptait ouvrir, et au début de l’été je m’étais rendu sur place en compagnie de mon regretté compagnon Robert Carpentier.
Comme certains lacs de ce secteur ne présentaient qu’un difficile accès par sentier rustique, sur les recommandations du pourvoyeur nous avions pris soin d’apporter des VTT et c’est ainsi que nous nous étions retrouvés sur un assez grand lac longiligne sur lequel le pourvoyeur fondait beaucoup d’espoir et où il avait apporté une vieille chaloupe d’aluminium.
Grâce à un petit moteur à essence que nos VTT nous avait permis de transporter, Robert et moi arpentions le lac en question à la traîne avec nos cannes à mouche, mais après plus de deux heures, nous n’avions eu aucune touche. Je remarquai alors que la brise qui s’était levée poussait les vagues vers la berge nord du lac, et la même idée nous est venue simultanément, soit d’aligner notre parcours pour longer cette partie de la rive au-dessus d’une profondeur de 12 à 15 pi. Comme j’avais préalablement eu de bons succès avec mon streamer JR Cisco, c’est cette artificielle que nous avons tous les deux attachée à nos bas de ligne à bout plongeant.
Nous amorcions à peine le parcours dans cette nouvelle section du plan d’eau quand je ressentis une puissante touche suivie d’une série de fortes secousses entêtées, et avant que j’aie pu mettre le moteur au point mort, le leurre de Robert subit lui aussi une solide attaque. Nous étions aux prises en même temps avec deux poids lourds ! Ma tâche était compliquée par le fait que pendant que je faisais mon possible pour garder la tension sur ma ligne, il fallait que je continue de contrôler le moteur pour éviter que le vent fasse dériver l’embarcation contre les roches de la rive. À un moment donné, mon adversaire aquatique entraîna ma ligne en des sous de celle de Robert avant de décider de faire demi-tour et de revenir de mon côté, croisant ainsi nos deux fils en forme de X.
En passant ma canne en dessous de celle de mon compagnon, je parvins à démêler le tout pour continuer la bataille et finalement réussir à approcher ma prise de l’embarcation. La taille du mastodonte que je voyais tournoyer puissamment près de la chaloupe me paraissait démesurée par rapport aux dimensions de l’arceau de la petite épuisette portative que je lui présentais, mais je réussis à glisser le poisson dans le filet et à le hisser à bord. Cependant, ses puissantes contorsions ne tardèrent pas à emmêler ma ligne et l’hameçon de mon streamer en un nœud inextricable avec les mailles du filet.
Pendant que je travaillais fiévreusement à démêler l’écheveau, Robert me pressait de ses exhortations anxieuses, et après un temps de bataille excitante, il dut se résoudre à rentrer à la main sa prise, devenue finalement assez docile près de l’embarcation pour lui passer doucement un doigt derrière l’opercule et la soulever délicatement pour l’amener à bord. Aussitôt, nos deux petites balances numériques furent tour à tour mises à l’essai sur l’une et l’autre prise pour arriver à un résultat concordant: la truite de Robert pesait 3 lb 1 oz et la mienne 3 lb 12 oz.
Comme nous avions volontairement convenu de ne prendre qu’une seule grosse truite de ce genre chacun (une mesure dont nous avions convenu préalablement avec le pourvoyeur afin de préserver le potentiel halieutique du lac), nous avons rangé nos cannes et consacré le reste de l’après-midi à prendre des photos avant d’enfourcher nos VTT pour rentrer aux camps de la pourvoirie et afficher fièrement nos prises devant le propriétaire. Et la satisfaction de ce dernier n’était visiblement pas moindre que la nôtre
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